Histoire d'Adon Hiram (1997)

Présentation

Récit inspiré de la Bible. L'histoire de la construction du temple de Salomon fait partie des légendes maçonniques et compagnoniques racontées par Gérard De Nerval.

Gérard Mauborgne parmi les spectateurs raconte un voyage "le voyage en Orient". "Histoire de la Reine du matin et de Soliman, prince des Génies". Tout à tour la force d'Adon Hiram, le secret de Balkis, l'esprit de Soliman illuminent l'assemblée, chaque mot devient grain de bonheur.

Textes :

C'est en ce point précis qu'il est possible de marquer l'intervention du feu dans l'histoire de la Reine du Matin. Adon Hiram, on l'a dit, est un être de feu :

"méprisant les hommes qui évitaient le feu de son regard, il était aussi dédaigneux de la terreur inspirée par son aspect imposant, par sa taille haute et robuste, que par l'impression produite par sa fascinante beauté."

Le feu, chez lui, est d'abord en rapport étroit avec l'œuvre à créer : il est son outil, presque son matériau. L'achèvement de la mer d'airain passe par le coulage du métal, " fleuve de feu " dégagé par l'ouverture de la forge embrasée. Voilà donc l'œuvre d'art placée sous la dépendance directe du feu, capable de liquéfier la fonte. " Vous m'apparaissez dans votre puissance, dit Balkis au roi des ouvriers, comme la divinité du feu ". Pourtant, dans un premier temps, l'œuvre échoue : la coulée de la mer d'airain s'achève dans l'incendie destructeur et la mort. C'est qu'avant que le feu participe à l'accomplissement triomphal de l'œuvre, Adoniram doit passer lui même par son épreuve purificatrice et régénérante. Le chapitre VI met en scène l'artiste abattu, méprisé par les souverains officiels, en proie au doute sur ses capacités, atteint par le sentiment d'un déshonneur insupportable. La tentation du suicide dit alors l'effondrement d'une théâtralité intérieure, dont l'homme de génie se découvre encore dépendant. Cette composante narcissique est extirpée par la découverte de l'appartenance du héros à une lignée, celle des fils de Kaïn qu'Adoniram rencontre au centre de la terre, où le conduit Tubal-Kaïn. La personnalité du créateur prend sens alors, non plus dans sa dimension individuelle, mais dans celle d'une œuvre ancestrale.

Cette œuvre existe par sa continuité, chaque maillon de la chaîne se trouvant étroitement dépendant des autres. Elle est, d'autre part, œuvre de pure générosité, de don fait aux hommes du feu bienfaisant, vital. On comprend que tout ce qui a à voir avec le succès personnel, la vanité, et même la survie individuelle, s'efface devant son absolue nécessité, l'obligation qu'elle impose de ne pas rompre un élan qui traverse la génération des Fils du feu et qui, à chaque réincarnation de ceux qui sont à la fois même et autre, entretient le brasier essentiel à la vie du "peuple". "La voix du peuple m'appelle !" dit Adoniram, lorsque le surgissement du tourbillon enflammé d'où va sortir Tubal Kaîn prononce son nom. L'expérience du "monde souterrain" et du feu qui l'habite permet d'atteindre à une pureté totale, et démystifie ainsi, radicalement, tous les "théâtres" : théâtre du Moi, encore jusque là attaché aux contingences du narcissisme, théâtre du monde, celui de Soliman et des hommes qui, dans le peuple même, ont trahi, qui de ces contingences ont fait tout leurs désir. Régénéré par l'épreuve, Adoniram peut accomplir l'œuvre, elle-même régénératrice. La mer d'airain est achevée, la mort absurde du génie, victime de la médiocrité de ceux qui ne veulent ou ne peuvent le reconnaître est peu de chose en face de l'œuvre accomplie et du flambeau transmis, qui vit, on le sait, dans le sein de la reine de Saba.

Avec l'aimable autorisation de madame Gabrielle Chamarat, professeur à l'Université de Caen.
Extrait du livre "Nerval, réalisme et invention"
Edition Paradigme

Je dois danser
Ou flamber.
Adon Hiram est tant d'autre chose, révèle tant de terre ailleurs et au-delà.
Je bouge au-delà, voilà !
On pourrait gloser sur le lieu du théâtre, le temps du théâtre. Mais, là, moi j'ai mal de torturer mon corps pour obtenir cet essoufflement saccadé qui coupera ma phrase et celle de Nerval.
La phrase de Gérard
de Nerval ? de Mauborgne ?
Gérard, miroir.
Mon geste est fou, je le force, le pousse, le désorganise. Gérard cisèle le mot, la phrase.
J'ai renoncé à tout dire, à dire tout le conte en quatre soirées. Ma mémoire m'autorise quelques mots dans la forêt des symboles.
Comment serai-je le feu ?
Que ferai-je de ta tête, ta tête, Gérard ?
Et de ma voix, que dirai-je ?
Enfin qu'à crié ce corps de Gérard ?
Adoniram, pour moi Hiram, sera pour le spectacle Adon Hiram.
Et puis j'ai inversé le contenu du titre, celui-ci parle de Soliman et de Balkis et passe sous silence Adoniram. J'ai choisi le savant contre la femme et le roi.
J'ai choisi le travailleur contre le juste et le beau.
Mon corps s'épuise à respirer un tel effort, s'essouffle.
Contre le corps et le sens, rien de plus que l'effort articulé.
Et, ce que je dis me dépasse me déborde. Rester serein puisque l'amour m'épuise moins que ce jeu - puisque je ressort loin de ma propre conscience dans un Gérard que j'aimerais.

Gérard Mauborgne


Ce qui m'intéresse dans ce travail de l'acteur c'est le cheminement intellectuel et physique que l'homme doit suivre pour dompter ce personnage.
Dans le Théâtre Nô, l'acteur passe par un couloir où il s'imprègne. Véritable initiation. J'ai voulu que Gérard suive ce même parcours par un bain de foule S'habituer aux spectateurs donc à la pensée qu'on est acteur. Quel acteur ? Quel rôle ? Quel spectateurs ? C'est la discussion avec le public qui plante le temple de Théâtre.
Fragile demeure, fragile édifice. Il n'en restera rien qu'un souvenir

Et si le théâtre nous était conté ...

"Le conteur que nous devions entendre paraissait être renommé. Outre les consommateurs du café, une grande foule d'auditeurs simples se pressait au-dehors. On commanda le silence...".

Gérard Mauborgne parmi les spectateurs raconte un voyage "Le voyage en Orient". "Histoire de la Reine du matin et de Soliman, prince des génies".
Tour à tour la force d'Adon Hiram,
Le secret de Balkis,
L'espérance de Soliman illumine l'assemblée, chaque mot devient grain de sable de bonheur.
Et que reste-t'il du spectacle après, quand les projecteurs s'éteignent ?
Un chemin parcouru, une carte géographique d'identité. Quelque chose que l'on a vécu.

Pourquoi ce texte, cette envie. Chacun de nous voyage à un moment de sa vie, dans sa tête, pour son voyage de noce etc...
Donc cette histoire on peut la saisir, la prendre par la main, on la connaît.

Gérard de Nerval est un écrivain Français, né en 1808, mort à Paris en 1855.

A 19 ans, il traduit le Faust de Goethe. Il écrit des contes fantastiques.

Sujet au délire il transcrivit les principaux épisodes de son aventure spirituelle dans les fille du Feu Pandora, les Chimères, Aurélia. Ces visions successives sont autant d'épreuves mais aussi des révélations partielles d'une illumination mystique dont la réalité et le rêve offre les signes et les symboles."

Fiche Technique :

Titre : "Histoire d'Adon Hiram"
Espace Scénique : La scène est un grand rectangle, 12 mètres de profondeur. Les spectateurs seront sur le plateau.
Hauteur de Plafond : 3 mètres
Des objets sont suspendus soit par un grill, soit sur un pont.
Musique : Lecteur CD
Personnel : 1 comédien, 1 technicien, 1 metteur en scène.
Durée de représentation : 50 minutes


La légende de Salomon et d'Hiram :


La Bible (Rois I, ch. 5-13 à 18) raconte que le roi Salomon lorsqu'il décida de construire le Temple fit appel à un architecte du nom d'Hiram. Dans son livre du Compagnonnage, Agricol Perdiguier ajoute au texte sacré le récit suivant : les ouvriers travaillant sur le site étant fort nombreux, il devint nécessaire de distinguer les hommes habiles des manoeuvres sans qualification. Aussi confia-t-on aux premier un mot de passe qui leur permettait de se faire payer selon leur dû. De plus, lorsqu'un ouvrier avait donné assez de preuves de ses compétences, il était reçu par Hiram et son conseil afin d'être interrogé. Si on l'estimait digne, on le conduisait quelque temps plus tard dans un souterrain creusé sous le temple où on l'initiait selon certain mode secret et on lui confiait un second mot de passe.
Or, il advint que trois apprentis nommés Hoben, Skelem et Hoterfut, furieux qu' Hiram ne les aît pas distingués voulurent obliger le maître à révéler le mot de passe sous la menace. * Armés d'un maillet, d'une règle et d'un levier, les trois misérables placés aux portes du midi, de l'ouest et de l'est frappèrent Hiram qui préféra la mort à la révélation indue du secret.

* Selon Gérard de Nerval, les "armes" étaient un maillet, un ciseau, et un compas.

Extrait " Le livre d'or du compagnonnage "
Textes de Frédérick Tristan et Jacques Thomas
Edition Jean-Cyrille Godefroy